L’existence d’une IRTF n’est pas incompatible avec une demande de titre de séjour

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Pour le Tribunal administratif de Nancy, l’existence d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) prononcée par la préfecture n’est pas incompatible avec une demande de titre de séjour.

Il est très fréquent que les étrangers en passe de solliciter un titre de titre de séjour dans le cadre d’une régularisation, consultent un avocat en droit des étrangers sur la possibilité ou pas de le faire lorsqu’ils sont sous le coup d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF), dont la durée n’a pas expiré ou qui n’a pas été abrogée.

En général et sans base légale, les préfectures refusent en effet d’étudier le dossier de l’étranger lorsque la durée n’a pas expiré ou lorsqu’il n’y a pas eu d’abrogation ; et parfois quand bien même la durée a expiré, on fait croire à l’étranger qu’il est indispensable qu’il retourne dans son pays « exécuter » la durée de l’IRTF avant de prétendre à revenir solliciter un titre de séjour en France. Il s’agit là d’une confusion entre les règles en matière d’interdiction judiciaire du territoire français (ITF) qui est une peine complémentaire à une peine principale et la spécificité de l’IRTF qui est souvent le pendant d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) prise par le préfet.

Par un jugement du 15 septembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rendu un jugement qui pourrait faire jurisprudence, et surtout mettre fin à une confusion volontairement entretenue par les préfectures.

Dans cette affaire, le préfet avait rejeté une demande de titre de séjour prétendument irrecevable, du fait de l’existence d’une IRTF non expirée ou abrogée.

Cette décision a été annulée par le juge administratif qui a estimé qu’une décision d’interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) dont la durée n’a pas expiré ou qui n’est pas abrogée ne saurait légalement constituer une cause d’irrecevabilité de la demande de titre de titre de séjour.

Le juge administratif a ainsi établi une différence  entre l’existence d’une interdiction du territoire français (ITF) qui est une décision judiciaire et en présence de laquelle le préfet est en situation de pouvoir lié –séparation des pouvoirs oblige- d’une part ; et l’existence d’une interdiction de retour sur le territoire français, décision administrative face à laquelle le préfet dispose d’un pouvoir d’appréciation.

En somme, en rejetant pour irrecevabilité la demande de titre de séjour pour les raisons ci-dessus rappelées, préfet a méconnu l’étendue de sa compétence, notamment le pouvoir discrétionnaire de régularisation dont il dispose à l’égard des étrangers dont la situation ne relève pas des catégories pour lesquelles un titre de séjour doit être délivré.

Ce jugement rendu par le tribunal administratif de Nancy est un outil dont les avocats en droit des étrangers peuvent se prévaloir dans leurs démarches en préfecture lorsqu’il s’agit d’accompagner des étrangers sans papiers sous le coup d’une interdiction de retour le territoire, et qui souhaitent introduire une demande de régularisation.

 

TA Nancy, 15 sept 2020, n°1902535